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« La conformité est l’affaire de tous »

Auteurs : Sylvie Cholet, avocate associée, et Alice Naulin, juriste stagiaire
Publié le : 13/06/2022 13 juin juin 06 2022
Source : www.autoritedelaconcurrence.fr
Publication du document-cadre du 24 mai 2022 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence

            Le 24 mai 2022, l’Autorité de la concurrence a publié un document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de la concurrence. Dix ans après sa version initiale, il convenait effectivement d’adapter ces programmes aux nouveaux enjeux économiques et concurrentiels de la société.

L’Autorité avait annoncé le 19 octobre 2017, le retrait de son premier document cadre du 10 février 2012 concomitamment à l’introduction de la procédure de transaction, destinée à remplacer la procédure de non contestation des griefs. L’Autorité indiquait alors sa volonté de ne plus tenir compte des engagements portant sur la mise en œuvre de tels programmes de conformité pour justifier une atténuation de la sanction (voir déjà l’illustration de cette volonté dans la déc. n° 17-D-20 relative aux revêtements de sols résilients[1]). Elle réaffirmait néanmoins l’importance de ces programmes et son encouragement à y recourir dans le cadre « de  la gestion courante des entreprises, tout particulièrement lorsque celles-ci sont de taille conséquente »[2].

            À travers ce nouveau document-cadre, établi à l’issue d’une consultation publique entre le 11 octobre et le 10 décembre 2011, l’Autorité renforce davantage la pédagogie de la concurrence, phénomène également appelé ‘advocacy’ qui désigne, selon le Réseau International de la Concurrence, les mécanismes non contraignants d’une autorité de concurrence tendant à promouvoir un environnement concurrentiel pour les activités économiques. Cette fonction passe par la diffusion de la culture de la concurrence afin d’en améliorer sa compréhension et d’influencer les décisions prises par les institutions politiques, sociales ou économiques[3]. Selon l’actuel Vice-président de l’Autorité de la concurrence française, Emmanuel Combe, « l’advocacy va bien au-delà de cette seule diffusion, elle fait partie intégrante de notre mission principale de maintien de l’ordre public économique »[4]. L’Autorité désigne trois catégories d’acteurs qui contribuent à leur niveau à la diffusion d’une culture de la conformité : entreprises et experts externes, organismes professionnels et partenaires institutionnels.

            Le nouveau document cadre se présente comme un recueil de bonnes pratiques, traitant du sujet au travers de ses objectifs, ses avantages et principes directeurs, ainsi que sa mise en oeuvre.

Selon l’Autorité de la concurrence, la notion de conformité s’analyse simultanément comme un objectif et un processus :
 
  • Le premier tend à garantir à une entreprise un fonctionnement concurrentiel et libre de l’économie ainsi qu’une gestion optimisée de ses risques en l’encourageant à adopter des comportements vertueux.
  • Le second est basé sur les programmes de conformité mis en place au sein des entreprises  qui visent à permettre une  concurrence libre et non faussée,  prévenir les. risques financiers et d’atteinte à la réputation, et à faciliter la détection d’infraction.

Il n’est pas superflu d’insister sur les risques encourus par les entreprises et les associations dont elles sont membres, en cas de non-conformité au droit de la concurrence notamment depuis la transposition  de la directive ECN+ le 26 mai 2021, sans compter l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 qui a considérablement facilité les actions indemnitaires des victimes. Enfin, l’adoption par l’Autorité de la concurrence d’une nouvelle méthode des sanctions s’est opérée en défaveur des entreprises, qui se sont vues de plus en plus lourdement sanctionnées.



Le programme de conformité repose sur cinq piliers qui combinent trois composantes « préventive, curative et évolutive. » :
 
  • (1) un engagement public de l’entreprise : les organes de direction de l’entreprise doivent s’engager publiquement en démontrant leur volonté et la nécessité de respecter les règles de concurrence. Chaque acteur de l’entreprise doit en avoir conscience pour se conformer au mieux aux règles à son échelle ;
  • (2) des relais et experts internes : afin d’assurer le bon déroulement de la démarche et lorsque cela est possible, des experts internes sont désignés responsables de la gestion et du respect du programme de conformité (ce sont les responsables de la conformité).
  • (3) des mesures d’ information, formation et sensibilisation doivent être mises en oeuvre auprès des salariés.
  • (4) des mécanismes de contrôle et d’alerte
  • (5) un dispositif de suivi et de mise à jour du programme afin qu’il soit en permanence adapté à l’entreprise et au marché sur lequel elle se situe.

Chacun de ces cinq points-clés doit être personnalisé en fonction des caractéristiques de l’entreprise si bien que le programme est conçu sur mesure, en fonction de l’ organisation interne, des spécificités, forces et faiblesses  de l’entreprise, de la structure du marché sur lequel elle se situe… Seul un dispositif adapté à l’entité pourra rendre efficace le programme de conformité. Pour cela, des analyses économiques et concurrentielles doivent être menées en amont, autant concernant le marché que l’entreprise. Il conviendra alors de se documenter, d’avoir recours à des experts ou de procéder à des auditions de personnes engagées dans la démarche. L’objectif est de parvenir à un plan d’action, applicable en toutes circonstances et personnalisé aux besoins et spécificités de l’entité. Des vérifications postérieures resteront donc toujours indispensables à l’efficacité du programme en raison du caractère évolutif des critères sur lesquels il se base.

Comme le rappelle à juste titre l’Autorité, le programme de conformité aux règles de concurrence doit s’inscrire dans une démarche plus globale de mise en conformité de l’entreprise ou « compliance » à un ensemble de règles relatives à la lutte contre le blanchiment et la corruption (cf. loi SAPIN 2), à la protection des données personnelles (cf. RGPD), à la responsabilité sociétale (RSE)  et environnementale, …
 
[1] ADLC, 18 oct. 2017, déc n°17-D-20 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients
[4] Concurrences N° 2-2018 I Interview I Emmanuel Combe, Autorité de la concurrence, p. 21
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