Mauvaise publicité pour Google
Publié le :
13/02/2019
13
février
févr.
02
2019
Mise à jour du 4/04/2019
Les mésaventures de Google continuent.
Les gendarmes de la concurrence maintiennent la pression sur Google : après l’amende record de 4,34 milliards d’euros prononcée par la Commission Européenne en avril dernier, c’est cette fois l’Autorité française qui a prononcé, fin janvier 2019, des mesures conservatoires contre l’opérateur de MountainView (Adlc, déc. n°19-MC-01 du 31 janvier 2019 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Amadeus)
Cette décision fait suite à une plainte du 4 mai dernier, régularisée par la société Amadeus qui utilise le service de publicité en ligne Google Ads pour promouvoir son service de renseignements téléphoniques payants (118 001). Certains des comptes de la société Amadeus avaient été fermés et ses annonces sur les comptes non suspendus avaient été refusés dans des conditions non transparentes, non objectives et discriminatoires. C’est pourquoi, la société Amadeus invoquait un abus de position dominante de la part de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches ainsi qu’une exploitation abusive de la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait face au géant américain.
Concernant l’abus de dépendance économique, l’Autorité n’a pas jugé nécessaire de se prononcer à ce stade de l’instruction, même si elle semble déjà admettre que trois des quatre critères de qualification d'un état de dépendance économique sont remplis : à savoir la notoriété de la marque du fournisseur, l’importance de sa part de marché sur le marché concerné, l’importance de la part du fournisseur dans le chiffre d’affaire du client. Reste à déterminer l’existence ou pas d’une solution alternative dans des conditions acceptables (§ 120 et s.).
Dans l’immédiat, l’Autorité a retenu que "Google apparaît susceptible de détenir une position dominante sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches" et a considéré qu’en provoquant une baisse du volume d’appel et du chiffre d’affaires d'Amadeus à hauteur de 90%, il lui avait causé une atteinte grave et immédiate à laquelle il convient de remédier par des mesures conservatoires consistant à :
- clarifier les Règles Google Ads applicables aux services payants de renseignements par voie électronique afin de les rendre plus précises et intelligibles ;
- réaliser une revue individuelle de la conformité des campagnes proposées par les comptes non suspendus d'Amadeus aux règles clarifiées et, si cette revue révèle que ces annonces sont effectivement conformes, autoriser Amadeus à diffuser ses annonces publicitaires dans des conditions non-discriminatoires ;
- revoir la procédure de suspension de compte des annonceurs actifs dans le secteur des services de renseignements par voie électronique, en procédant un avertissement formel dans un délai suffisant pour permettre aux annonceurs, sauf situation grave, de justifier le manquement reproché, d'y remédier, ou de demander des explications.
- organiser une formation de son personnel commercial au contenu des Règles Google Ads clarifiées afin que celui-ci puisse alerter les annonceurs sur les cas de non-conformité.
En toute hypothèse, l’Autorité a décidé de poursuivre l’instruction au fond sur les pratiques dénoncées d'abus de dépendance économique et d'abus de position dominante, dès lors que certains éléments sont susceptibles de caractériser
•Une pratique abusive mise en œuvre par Google consistant à rompre brutalement ses relations commerciales dans des conditions qui ne sont ni objectives ni transparentes
•des pratiques discriminatoires vis-à-vis d’autres fournisseurs de services de renseignements par voie électronique, ayant engendré des distorsions de concurrence entre ces fournisseurs de services.
Cette affaire évoque la décision Navx, par laquelle l’Autorité avait en 2010 prononcé des mesures conservatoires à l’encontre de Google avant d’accepter, moins de cinq mois plus tard, ses engagements portant sur la politique de contenus relatifs au secteur des dispositifs de contournement des contrôles routiers. Cette décision lui avait permis d’obtenir qu’il soit mis fin à la procédure avant toute qualification (Adlc, déc. n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx et déc. n° 10-D-30 du 28 octobre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité sur Internet).
A supposer que Google soit tenté de proposer de nouveau des engagements dans cette nouvelle affaire Amadeus, il risque de se voir opposer sa promesse antérieure, actée depuis 2010 dans la décision Navx, d’étendre les engagements souscrits à tous les contenus admis sur le service adWords, afin d’apporter davantage de transparence et de prévisibilité aux annonceurs.
De son côté, la Commission européenne avait rejeté les engagements proposés par Google, en avril 2013 et en février 2014 dans l’affaire Google Shopping, jugés insuffisants. Le 27 juin 2017, l’opérateur a été condamné à une amende, qui avait alors semblée pharaonique, de 2,42 milliards d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix Google Shopping dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents. Ce comportement était de nature à avoir, ou était susceptible d’avoir, des effets anticoncurrentiels sur les marchés nationaux des services de comparaison de prix et des services de recherche générale (AT. 39740)
Il sera donc intéressant de connaitre le sort réservé à cette affaire Amadeus sachant que Google est également poursuivie dans d’autres procédures pour des pratiques mises en œuvre sur le marché de la publicité en ligne devant la Commission européenne (procédure initiée en 2016 pour des pratiques visant à exclure des régies publicitaires concurrentes d’ Adsense) et devant l’Autorité de la concurrence (affaire GibMédia initiée en 2015 relative à sa politique de contenu Adwords). A la suite de la publication de l’avis 18-A-03 rendu le 6 mars 2018, la présidente de l’Autorité de la Concurrence a annoncé vouloir «regarder ces sujets de concurrence dans la publicité en ligne très rapidement et avec des moyens plus élevés que jamais mis en œuvre, avec des procédures contentieuse » (https://www.petitweb.fr/indiscrets/les-indiscrets-du-3-decembre-2018/).
Mise à jour du 4/4/2019
Dans l'attente, de l'issue de l'instruction au fond, la Cour d'appel de Paris a confirmé l'essentiel de la décision n° 19-MC-01 par un arrêt en date du 4 avril 2019.
Seule la 3ème mesure conservatoire consistant à imposer à Google de former ses personnels commerciaux sur les règles Google Ads clarifiées a été annulée, jugée inutile par la Cour.
Pour le reste, la Cour d’appel a rejeté les arguments de Google, jugeant que
- à ce stade de l’instruction de l’affaire, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure que les motifs allégués par Google (« déclarations trompeuses ») justifiaient que les comptes fussent suspendus sans avertissement préalable. Au contraire, l’Autorité a considéré à juste titre que
* la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Amadeus dans des conditions ni objectives non transparentes est susceptible de caractériser une pratique abusive « dès lors que de telles pratiques sont susceptibles d’entraîner des effets anticoncurrentiels avérés ou potentiels. »
* les éléments du dossier montrent que la suspension du compte Amadeus dans les conditions dans lesquelles elle est intervenue est susceptible d’être discriminatoire et d’avoir eu comme telle des effets anticoncurrentiels (captures d’écrans et constats d’huissier produits par Amadeus montrant que d’autres comptes Googles Ads présentant les mêmes irrégularités n’ont pas été suspendus, échanges internes à Google montrant qu’elle était consciente du problème)
- La situation d’urgence (atteinte grave et immédiate aux intérêts du plaignant) justifiant le prononcé de mesures conservatoires est bien caractérisée dès lors que la société Amadeus courait le risque de sortir du marché et que ce risque était la conséquence de la pratique de Google Ads.
- les mesures imposées par l’Autorité « à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond » n’ont aucun caractère irréversible ; elles ont pour objet de rectifier les pratiques que l’Autorité a considérées comme susceptibles d’être anticoncurrentielles.
- la plupart des mesures prononcées est proportionnée, étant limitée à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence : notamment, la mesure consistant à clarifier les règles tend non pas à modifier les règles pour rendre conforme ce qui ne l’est pas mais à faciliter la compréhension de ces règles afin que les annonceurs identifient avec certitude les comportements qui, relevant de « déclarations trompeuses », de « comportements non fiables ou promotions indignes de confiance » ou de « pratiques commerciales inacceptables » constituent des manquements et les exposent aux conséquences qui en découlent. Aucune disproportion ne saurait résulter de la portée générale de la mesure « dès lors que l’obligation de clarification des règles Google Ads est nécessaire » et que « le bénéfice d’une telle mesure ne saurait être réservé à certains opérateurs seulement, sans introduire une discrimination injustifiée. »
Dans l'attente, de l'issue de l'instruction au fond, la Cour d'appel de Paris a confirmé l'essentiel de la décision n° 19-MC-01 par un arrêt en date du 4 avril 2019.
Seule la 3ème mesure conservatoire consistant à imposer à Google de former ses personnels commerciaux sur les règles Google Ads clarifiées a été annulée, jugée inutile par la Cour.
Pour le reste, la Cour d’appel a rejeté les arguments de Google, jugeant que
- à ce stade de l’instruction de l’affaire, les éléments du dossier ne permettent pas de conclure que les motifs allégués par Google (« déclarations trompeuses ») justifiaient que les comptes fussent suspendus sans avertissement préalable. Au contraire, l’Autorité a considéré à juste titre que
* la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Amadeus dans des conditions ni objectives non transparentes est susceptible de caractériser une pratique abusive « dès lors que de telles pratiques sont susceptibles d’entraîner des effets anticoncurrentiels avérés ou potentiels. »
* les éléments du dossier montrent que la suspension du compte Amadeus dans les conditions dans lesquelles elle est intervenue est susceptible d’être discriminatoire et d’avoir eu comme telle des effets anticoncurrentiels (captures d’écrans et constats d’huissier produits par Amadeus montrant que d’autres comptes Googles Ads présentant les mêmes irrégularités n’ont pas été suspendus, échanges internes à Google montrant qu’elle était consciente du problème)
- La situation d’urgence (atteinte grave et immédiate aux intérêts du plaignant) justifiant le prononcé de mesures conservatoires est bien caractérisée dès lors que la société Amadeus courait le risque de sortir du marché et que ce risque était la conséquence de la pratique de Google Ads.
- les mesures imposées par l’Autorité « à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond » n’ont aucun caractère irréversible ; elles ont pour objet de rectifier les pratiques que l’Autorité a considérées comme susceptibles d’être anticoncurrentielles.
- la plupart des mesures prononcées est proportionnée, étant limitée à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence : notamment, la mesure consistant à clarifier les règles tend non pas à modifier les règles pour rendre conforme ce qui ne l’est pas mais à faciliter la compréhension de ces règles afin que les annonceurs identifient avec certitude les comportements qui, relevant de « déclarations trompeuses », de « comportements non fiables ou promotions indignes de confiance » ou de « pratiques commerciales inacceptables » constituent des manquements et les exposent aux conséquences qui en découlent. Aucune disproportion ne saurait résulter de la portée générale de la mesure « dès lors que l’obligation de clarification des règles Google Ads est nécessaire » et que « le bénéfice d’une telle mesure ne saurait être réservé à certains opérateurs seulement, sans introduire une discrimination injustifiée. »
SC
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/avisdec.php?numero=19MC01
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