
Zoom sur la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence
Auteurs : Sylvie Cholet, avocate associée - Jeanne Cremers, élève avocate
Publié le :
20/02/2025
20
février
févr.
02
2025
Cass. com., 29 janvier 2025, n° 23.15.842
En matière de pratiques restrictives de concurrence, l’erreur de juridiction vaut exception d’incompétence et non pas une fin de non-recevoir aussi en cause d’appel
Mieux vaut saisir la bonne juridiction lorsqu’elle bénéficie d’une compétence d’attribution exclusive prévue par un texte, ce qui est le cas en matière de pratiques restrictives de concurrence.
Dans un précédent arrêt retentissant du 18 octobre 2023 n° 21-15.378, également commenté sur notre site, la Cour de cassation avait préféré la règle de la compétence d'attribution exclusive à celle de la fin de non-recevoir en cas de saisine de la mauvaise juridiction en première instance :
« Il convient en conséquence de juger désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir » (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15.378, publié).
Cette solution est plus favorable au demandeur : rappelons en effet qu’une fin de non-recevoir conduit à déclarer le demandeur irrecevable, sans examen au fond du litige, et sans régularisation possible si le délai de prescription est acquis ou si le délai de recours est expiré.
Dans un arrêt du 29 janvier 2025 n° 23-15.842, la Cour de cassation confirme cette solution de l’exception d’incompétence, et l’étend en cause d’appel :
« la règle découlant de l'application combinée des mêmes articles, désignant la cour d'appel de Paris seule compétente pour connaître des décisions rendues par lesdites juridictions, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
Ainsi, à la lumière de cet arrêt, si l’incompétence de la Cour d’appel saisie est soulevée car une demande (y compris reconventionnelle) porte sur des pratiques restrictives de concurrence, le juge saisi par erreur peut, en fonction des circonstances et de l’interdépendance des demandes :
- soit se déclarer incompétent au profit de la Cour d’appel de Paris et surseoir à statuer dans l’attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande ;
- soit renvoyer l’affaire pour le tout devant la Cour d’appel de Paris.
Un doute persiste, toutefois, quant à la possibilité pour la Cour d’appel, non spécialisée et saisie par erreur, de soulever d’office son incompétence. La Cour de cassation ne se prononce pas sur ce point pourtant fondamental. Or, l’article 76 du Code de procédure civile dispose que « l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas », auquel cas s’applique l’article L.444-1 A du Code de commerce déclarant d’ordre public les dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence, y compris désignant la juridiction compétente en la matière. La Cour de cassation renvoie également à « la règle d'ordre public découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2, du code de commerce » désignant la juridiction compétente. Toutefois, la qualification d’ordre public de ces dispositions ne cesse d’être débattue par les juges français et européen. Par ailleurs, l’article 76 du Code de procédure civile ajoute que « devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française ». Par conséquent, il semblerait qu’en matière de pratiques restrictives de concurrence, l’incompétence ne puisse être soulevée d’office par la Cour d’appel non spécialisée ? Ce point mériterait d’être précisé.
Enfin, si nous comprenons la volonté de cohérence et de sécurité juridique, dans l’intérêt des justiciables, visant à retenir que la méconnaissance d’une compétence exclusive (et non d’un pouvoir juridictionnel) doit être sanctionnée par une incompétence (et non une fin de non-recevoir), nous estimons, également, que cette volonté pourrait et devrait s’étendre à toute méconnaissance d’une compétence exclusive, bien au-delà du secteur des pratiques restrictives de concurrence, et notamment en matière de pratiques anticoncurrentielles (voir CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 5 février 2025, n° 24/07141).
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