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Articulation entre la politique agricole commune et la politique de concurrence

Articulation entre la politique agricole commune et la politique de concurrence

Publié le : 10/12/2015 10 décembre déc. 12 2015

Aux termes d’un arrêt en date du 8 décembre 2015, la Cour de cassation (chambre commerciale) a décidé de poser deux questions préjudicielles à la CJUE en lien avec les dérogations à l’application des règles de concurrence accordées aux organisations de producteurs de fruits et légumes dans le cadre de la PAC.
 
L’arrêt a été rendu à l’occasion de l’affaire du cartel des endives dans laquelle l’Autorité de la concurrence avait sanctionné des organisations de producteurs (OP) et leurs associations (AOP) pour s’être concertées aux fins d’établir des prix minimums dits « prix de retrait » en dessous desquels les OP décidaient de ne pas vendre les produits apportés par leurs adhérents (Adlc, n° 12-D-08, 6 mars 2012).
 
Le 15 mai 2014, la décision avait été réformée entièrement par la Cour de Paris qui avait considéré non établie la violation, par les OP et les AOP, des dispositions de l’article 101(1) TFUE et L. 420-1 du Code de commerce. Selon la Cour, les OP ont ainsi pu agir dans les limites de la mission de régularisation des prix à la production leur ayant été assignée par la règlementation européenne relative à l’Organisation commune du marché (OCM) dans le secteur des fruits et légumes (Reg. n° 1035/72, n° 2200/96, n° 1182/2007, n° 1234/2007). Les OP auraient ainsi bénéficié d’un régime dérogatoire au droit de la concurrence leur permettant de se concerter au sein d’AOP pour stabiliser les cours et régulariser les prix à la production, induisant la fixation de prix minimums (CA Paris, pôle 5, ch. 5-7, 15 mai 2014, RG n° 2012/06498).
 
Au soutien de son pourvoi, l’Autorité de la concurrence a contesté la motivation de l’arrêt d’appel en ce qu’il s’est fondé sur l’obscurité ou l’insuffisance de la loi, pour décider que les difficultés d’interprétation de la réglementation OCM devait intervenir à la faveur des OP et de leurs associations. Selon l’Autorité, les règlements concernés prévoient expressément trois dérogations générales à l’application de l’article 101(1) TFUE à la production et au commerce des produits agricoles, en dehors desquelles « l'exercice des missions dévolues aux organisations de producteurs et associations de ces organisations ne pouvait se concevoir que dans le respect des règles de concurrence ».
 
La Commission européenne, agissant d’office, a formulé des observations devant la Cour de cassation, en application de l’article 15(3) du règlement n° 1/2003, aux termes desquelles elle reconnait l’existence, en marge des dérogations générales, de dérogations spécifiques découlant des taches et missions attribuées aux OP et AOP dans le cadre de la politique agricole commune, mais parmi lesquelles ne figureraient pas les mécanismes de prix en cause.
 
La Cour de cassation a décidé, au regard de la difficulté sérieuse posée par l’interprétation des règlements portant Organisation commune des marchés, de saisir la CJUE de deux questions préjudicielles et de surseoir à statuer.
 
En effet, la CJUE a reconnu que les objectifs de la PAC priment sur ceux de la politique en matière de concurrence en vertu de l’article 36 CE, mais elle ne s’est pas encore prononcée sur la question de l’existence de dérogations spécifiques, de leur articulation avec les dérogations générales et de leur application à la mission de régularisation des prix à la production confiée aux OP et AOP.
 
Les questions posées sont ainsi formulées :
 
1°) Des accords, décisions ou pratiques d'organisations de producteurs, d'associations d'organisations de producteurs et d'organisations professionnelles, qui pourraient être qualifiés d'anticoncurrentiels au regard de l'article 101 TFUE, peuvent-ils échapper à la prohibition prévue par cet article du seul fait qu'ils pourraient être rattachés aux missions dévolues à ces organisations dans le cadre de l'organisation commune du marché et ce, alors même qu'ils ne relèveraient d'aucune des dérogations générales prévues successivement par l'article 2 des règlements (CEE) n° 26 du 4 avril 1962 et (CE) n° 1184/2006 du 24 juillet 2006 et par l'article 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 ?
 
2 / Dans l'affirmative, les articles 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2200/1996, 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1182/2007, et 122, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 1234/2007, qui fixent, parmi les objectifs assignés aux organisations de producteurs et leurs associations, celui de régulariser les prix à la production et celui d'adapter la production à la demande, notamment en quantité, doivent-ils être interprétés en ce sens que des pratiques de fixation collective d'un prix minimum, de concertation sur les quantités mises sur le marché ou d'échange d'informations stratégiques, mises en œuvre par ces organisations ou leurs associations, échappent à la prohibition des ententes anticoncurrentielles, en tant qu'elles tendent à la réalisation de ces objectifs ?
 
Les éclairages de la CJUE sont donc attendus pour lever l’obstacle de l’obscurité de la loi. 

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