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L’Autorité publie son avis relatif aux rapprochements à l’achat dans le secteur de la grande distribution concomitamment à la publication du Rapport de la Commission spéciale du Sénat relatif au projet de loi Macron

Publié le : 01/04/2015 01 avril avr. 04 2015

Cet avis intervient dans un contexte de guerre des prix obligeant  les enseignes, pour réduire leurs marges, à procéder à des alliances. Récemment, quatre rapprochements notables se sont produits : Système U/ Auchan, Groupe casino/Intermarché, Carrefour/Cora.
 
Selon l’Autorité, ces alliances entraînent une concentration du marché détenu désormais à 90% par quatre opérateurs  avec pour conséquence des risques concurrentiels sur le marché aval (échange d’informations, symétrie des conditions d’achat, réduction de la mobilité inter-enseignes) et sur le marché amont (risques de réduction de la qualité, de l’investissement et de l’innovation des fournisseurs, et risque d’éviction de ces fournisseurs).
 
L’Autorité a été saisie fin 2014 par le Ministre chargé de l’économie et par la Commission des affaires économiques du Sénat, sur le fondement respectivement des articles L. 462-1 et L. 461-5 du Code de commerce, dans le cadre des débats parlementaires relatifs au projet de loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
 
L’Autorité s’est d’abord intéressée à un amendement tendant à lui confier un contrôle ex ante des projets de rapprochements. Une telle modification législative est préconisée par l’Autorité et consisterait à introduire une obligation légale de notification préalable pour tout nouvel accord de rapprochement. Les seuils de notification des accords seraient définis « sur la base du poids économique individuel des parties à l’accord, à travers leur chiffre d’affaires réalisé à l’achat dans le cadre de l’accord », de telle sorte qu’elle ne porte que les accords les plus susceptibles d’avoir une incidence sur la structure concurrentielle.
 
Cette proposition a d’ores et déjà été prise en compte et s’est concrétisée par l’adoption par la Commission spéciale du Sénat d’un article 10 quater, instituant un mécanisme d’information de l’Autorité de la concurrence sur les accords ayant pour objet de négocier des achats groupés (il serait intégré au Code de commerce dans un article L. 462-10). Le Rapport établi le 25 mars 2015 au nom de la Commission spéciale du Sénat en prévision des débats relatifs au projet de loi Macron qui doivent se tenir au Sénat du 7 au 18 avril puis le 6 mai 2015, vient de l’annoncer (http://www.senat.fr/rap/l14-370-1/l14-370-11.pdf). Les seuils de notification seront fixés par décret en Conseil d’Etat.
 
Un autre amendement avait été proposé consistant à redéfinir la notion de l'état de dépendance économique et à permettre à l’Autorité de tenir compte des effets à moyen terme des pratiques d’abus de dépendance économique. L’Autorité prend acte de l'abandon de cet amendement, tout en relevant qu’une procédure existe déjà, prévue à  l’article L. 442-6 III du Code de commerce, permettant au Ministre chargé de l’économie de poursuivre, en lieu et place de la victime directe,  une pratique créant un déséquilibre significatif dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Cette disposition prévoit une sanction aujourd’hui fixée à 2 millions d’euros, pouvant être accompagnée d’une répétition de l’indû. Selon la Commission spéciale du Sénat, une telle sanction est suffisante et il n'y a pas lieu, comme l'a envisagé le projet de loi Macron tel qu'adopté à l'Assemblée Nationale, de la porter à  5% du chiffre d’affaires annuel réalisé en France par le contrevenant (« une telle sanction, plus qu’exemplaire et dissuasive, est avant tout disproportionnée»).  
 
Enfin, même si l’avis ne concernait pas ce point, on peut retenir que l’article 11 du projet de loi adopté à l’Assemblée Nationale, très critiqué en ce qu’il instaure un pouvoir d’injonction structurelle de l’Autorité dans le domaine du commerce de détail pour mettre fin à une préoccupation de concurrence soulevée par une situation de position dominante, n’a pas non plus obtenu toutes les faveurs de la Commission spéciale du Sénat qui a voté un amendement  de modification du texte. Bien que la procédure ne présente pas de risque constitutionnel sérieux et qu’elle est considérée comme pouvant être utile dans certaines situations, il a semblé nécessaire à la Commission de mieux l’encadrer et de renforcer son caractère contradictoire compte tenu des enjeux (« la cession de magasins peut s’apparenter à une sanction alors même qu’aucune infraction n’a été constatée »). 

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